Du Congo à Prélude SA

Au départ, le parcours de Luyeye ressemble à celui de nombreux jeunes en quête d’une vie meilleure. Encore mineur, il fait environ 8500 km pour atteindre les frontières de l’Europe. En Suisse, une famille d’accueil lui donne les bases pour commencer une nouvelle vie, mais la traversée de l’Afrique a laissé des marques sur son corps.

Aujourd’hui, Luyeye a 38 ans. Il est arrivé en Suisse alors qu’il était mineur, il y a plus de 21 ans. Ce fut un départ précipité pour le Congolais de naissance. « Les policiers ont battu et abusé de ma mère. Ma grand-mère m’a donné l’argent de la vente de la plantation de café, je suis parti en direction de la Centrafrique. » Son trajet est malheureusement très banal, similaire à celui de nombreux jeunes qui débarquent sur une route migratoire comportant de nombreux dangers et parsemée d’embûches. En chemin, il y a les passages à tabac et les mauvaises rencontres dans les squats qu’il fréquente. Il traverse de nombreux pays et arrive en Italie à 16 ans. « Quand je suis enfin arrivé en Suisse, je me suis dit : ‘Je suis grand !’ » rigole-t-il. Il suit le chemin habituel du migrant en passant par les centres pour réfugiés. Tout d’abord celui de Vallorbe, puis les nombreux autres. Ensuite, il est hébergé par une famille d’accueil à Évilard.

Dans les montagnes, le jeune garçon apprécie les promenades avec les chiens de la famille. « Des golden retrievers, précise-t-il. Dans la forêt, je marche à mon rythme, je suis au calme. »

L’intégration chez Prélude

Luyeye a travaillé dans le bâtiment, notamment dans la pose de carrelage. Mais cette marche à travers l’Afrique lui a laissé des séquelles physiques. Une hernie discale, d’abord, suivie de problèmes d’arthrose au niveau des jambes. L’homme a également un déficit de la vue à la suite d’un coup involontaire donné par un camarade… en Suisse. Quatre opérations sont nécessaires pour retrouver une certaine acuité visuelle. « J’ai fait 8500 kilomètres à pied, j’ai affronté de nombreuses épreuves et maintenant, ma santé m’empêche de travailler comme j’aimerais. »

Au bénéfice de l’AI, il a cherché un emploi dans des institutions adaptées, se heurtant bien souvent à des refus en raison de sa santé. En 2020, il découvre Prélude SA et adopte immédiatement cette place de travail. « Quand je sors de chez moi et que j’arrive ici, je suis parfaitement à l’aise. Je m’occupe notamment au secteur logistique. » Luyeye est un maniaque du ménage. Lorsqu’il commence un mandat pour l’entreprise, il met tout en œuvre pour que cela soit aussi propre que chez lui.

Une boussole

Dans son parcours, il a eu quelques problèmes avec l’alcool. Toutefois, il s’est ressaisi afin de devenir exemplaire. « J’ai donné mon cœur à ma famille d’accueil », exprime-t-il. D’ailleurs, au cours de l’entretien, Luyeye n’a cessé de rendre hommage à cette famille, qu’il ne veut pas décevoir, car « elle m’a donné des valeurs ». Il a aussi beaucoup honoré le souvenir de sa mère biologique. « Elle a été comme une boussole, c’est à elle que je dois de savoir écouter. Je ne l’ai jamais revue. Je regrette de ne pas pouvoir lui montrer comme je suis fort grâce à elle. »

L’intégration de Luyeye chez Prélude lui a permis de trouver une certaine stabilité qui passe notamment par sa fierté d’avoir un travail. « J’ai décroché cette place chez Prélude, je vais tout faire pour m’en montrer digne et y rester », conclut-il.

« Ici, on est nous-mêmes, sans faux-semblant »

L’alcool a exercé une influence néfaste sur Constantin. Néanmoins, il a tout mis en œuvre pour tourner la page d’une période sombre de sa vie. Son travail au sein du secteur Logistique de Prélude SA est une étape sur la voie d’une certaine normalité.

Le jeune quadragénaire est précis quant à sa présentation : il travaille chez Prélude SA depuis le 22 septembre 2022. Une date qu’il considère comme un nouveau départ après des tourments liés à son addiction à l’alcool. Après dix années compliquées, Constantin loge maintenant dans un lieu de vie et de réhabilitation de la vallée de Tavannes, Le Tamaris. Maçon grutier de formation, il est tombé dans l’alcool « pour oublier des graves événements qui me sont arrivés plus jeune », explique-t-il avec pudeur mais sans tabou. Cultivé, ce fils de diplomate rwandais venu en mission à Berne au début des années 1990 s’exprime avec aisance. Le destin de la famille bascule en 1994. « En raison du génocide rwandais, nous sommes restés bloqués en Suisse. Nous avons donc demandé l’asile politique. »

L’alcool a débarqué sur son lieu de travail. Il boit de plus en plus régulièrement. « C’était devenu une fuite de la réalité, je ne voyais pas que je me mettais en danger. C’est mon père qui a tiré la sonnette d’alarme, il m’a sauvé la vie. » Après un passage aux Vacheries, une unité thérapeutique dédiée aux dépendances, il arrive donc au foyer Le Tamaris. « Ici, on s’est occupé de me stabiliser mentalement et surtout de me débarrasser de mes problèmes d’alcool. »

Se réinsérer

Après plusieurs années sans travailler, l’étape suivante était de lui trouver une occupation. « Cela faisait dix ans que je suivais un schéma hors norme. Pour un alcoolique, il est important d’occuper son esprit afin de ne pas cogiter. » Il intègre donc le secteur Logistique de Prélude SA. Il y apprécie particulièrement les efforts physiques qui lui sont demandés. « J’aime porter des choses. Avec mon métier de maçon, j’ai été formé à cela. À la fin de la journée, on ressent une bonne fatigue. Puis travailler à l’extérieur me plaît. »

L’ambiance chez Prélude ? Il l’apprécie. « Ici, on parle facilement de notre vie, on est nous-mêmes sans faux-semblant. J’évoque facilement mes problèmes d’alcool, c’est une manière de sensibiliser à ses méfaits. De montrer aussi qu’on peut s’en sortir. »

Sur la route de l’indépendance

Encore en phase de reconstruction, l’homme a de l’ambition. Pour lui, Prélude n’est qu’un passage sur la voie de sa rédemption professionnelle. À court terme, il souhaite refaire des stages dans son métier. Grâce à son travail chez Prélude SA, de nouvelles perspectives s’ouvrent. Dans quelques semaines, il quittera son logement pour s’établir dans son propre appartement, mais toujours sous la responsabilité du foyer Le Tamaris. Un avenir sujet à quelques questionnements. « Je me demande comment réagir, je suis à la fois curieux et anxieux. » Cependant, pour ne pas retomber dans ses travers, Constantin a mis en place différentes stratégies. Dorénavant, il prend soin de son corps et se cuisine des repas équilibrés. « La fuite, c’est fini ! Maintenant j’affronte mes peurs et c’est agréable de se sentir à nouveau physiquement au top. Je commence à m’aimer depuis que je ne bois plus. » Les signaux passent doucement au vert afin de permettre à Constantin d’entamer une vie plus standard, selon ses propres termes.

Passion manga

Olivier a intégré Prélude SA le 2 février 2023. La précision est une valeur importante pour cet amateur du 9e art qui s’est lancé dans la création d’un manga d’une centaine de pages.

Auparavant, Olivier travaillait dans une fondation pour personnes vivant avec un handicap – il est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme, invalide AVS à 100% – dans le canton de Neuchâtel. Aspirant à se rapprocher de sa famille qui habite dans le vallon de Saint-Imier, il déménage à Sonvilier. Un choix qui ne fut pas sans conséquence. En changeant de canton, il a perdu sa place de travail. « À la suite de mon changement d’adresse, j’ai travaillé comme aide-concierge avec mon grand frère. Mais pour diverses raisons, je n’ai pas pu garder cet emploi. » Puis son curateur lui présente Prélude SA et ses activités de réinsertion professionnelle.

Lorsque l’on pose des questions à Olivier, il est très précis dans ses réponses. Depuis quand travaille-t-il chez Prélude ? « Depuis le 2 février 2023, j’attaque ma deuxième année. » Quel âge a-t-il ? « 28 ans, le 23 novembre 2024. » Une caractéristique qui déteint dans la passion du jeune homme pour la bande dessinée et à laquelle il consacre toutes ses soirées. Pas simplement en lecture, mais bien le crayon à la main : il s’est formé à l’Académie de Meuron dans le canton de Neuchâtel. « La formation dure trois ans, mais j’ai effectué une pause de deux ans à l’issue de ma première année », détaille-t-il.

Un manga de 100 pages

Olivier dit avoir la chance de pouvoir noircir de son trait précis des tas de feuilles de papier, parallèlement à son travail chez Prélude. Et il ne lésine pas, il dessine tout le temps. « J’ai commencé assez tardivement, à l’âge de 13 ans. Je gribouillais des objets et des modèles anciens de voitures, j’aime ces perspectives courbées. » Aujourd’hui, il s’est lancé dans l’ambitieux projet de réaliser un manga d’une centaine de pages. Une particularité, il dessine sans poser préalablement son scénario. « Tout est dans ma tête, j’écris le récit en cours de route », rigole-t-il. Pour preuve, en présentant ses pages qui ne contiennent pas encore de dialogue, le jeune homme récite de mémoire les textes qu’il ajoutera ensuite dans ses phylactères.

Au total, Olivier estime que son projet lui prendra bien deux ans. Son histoire décrit un univers fantastique où des monstres souhaitent être considérés comme des gens normaux. Faut-il voir là une sorte d’allégorie de l’autisme ? « Je n’y avais pas pensé… ou peut-être de manière inconsciente ? » s’interroge-t-il. L’un de ses personnages, Mantissia , est une femme au physique atypique : elle a l’apparence d’un humain mais les pinces, qui remplacent ses mains, et les antennes sur sa tête trahissent ses origines invertébrées de mante religieuse.

Éviter la routine

La passion d’Olivier pour le dessin est telle qu’il fut difficile d’orienter la conversation sur les travaux réalisés par notre artiste chez Prélude. Il travaille au secteur multiservice quatre jours par semaine. Il y fait des journées plutôt longues de huit heures, entrecoupées de pauses durant lesquelles… il dessine !

Du côté de l’atelier, il apprécie particulièrement les missions liées à la mise en sachet de pièces d’horlogerie. « C’est un travail de précision, mais une fois que tu as acquis la technique et les bons gestes, cela devient une routine… parfois ennuyeuse. Comme en travaillant, j’ai la possibilité d’écouter de la musique, cela émoustille ma créativité pour mes autres projets. » Il apprécie notamment les bandes-son des films de Disney, on en revient une nouvelle fois au dessin. Olivier regrette toutefois de ne plus travailler sur les câbles : il appréciait cette tâche consistant à les sertir ou les étamer.

La créativité et le talent d’Olivier pour le dessin sont des atouts précieux pour Prélude, notamment lorsqu’il s’agit de créer du contenu et des illustrations pour le journal interne réservé aux collaboratrices et aux collaborateurs de l’entreprise. Bien souvent, il convient même de le refréner un peu afin de laisser de la place aux autres rédacteurs. Gageons toutefois que l’artiste communiquera au sujet de l’évolution de son projet de manga et nous autorisera à le faire découvrir en avant-première sur les réseaux de l’entreprise.

« Mon handicap n’est pas une limite »

À 46 ans seulement, Raphaël est l’un des plus anciens collaborateurs de Prélude SA. Malvoyant, son handicap ne l’empêche pas d’être résolument optimiste, ni de se passionner pour sa collection de pièces de monnaie anciennes. Portrait.

Le parcours de Raphaël est marqué par plusieurs échecs qui l’ont empêché de décrocher un diplôme, sésame précieux et nécessaire pour trouver une place de travail. Il s’est donc tourné vers différentes institutions de réinsertion professionnelle. Ainsi, il a commencé sa vie active dans le canton de Vaud avant de rejoindre celui de Berne puis la ville de Bienne. Pour finir, son arrivée chez Prélude est le fruit d’une conjugaison de deux facteurs déterminants : un emploi proche de son domicile et des activités adaptées à son handicap. « Depuis que je suis chez Prélude, j’ai travaillé dans tous les domaines à l’exception du secteur mécanique, explique-t-il, je ne me fixe pas de limites. » En effet, plutôt combatif, il refuse d’être retenu par des barrières liées à ses problèmes de vue. « Je ne considère plus cela comme un inconvénient, mais plutôt comme un auxiliaire pour aller plus loin. Quand il y a une tâche à accomplir, si les autres y arrivent, pourquoi pas moi ? »

Le défi du numismate

Sportif, pratiquant la marche et le vélo tandem, cinéphile et mélomane, Raphaël a une autre corde à son arc plutôt surprenante et au nom pour le moins étrange : il est numismate, c’est-à-dire qu’il collectionne les pièces de monnaie. « J’en possède environ 400 qui vont de l’Antiquité à nos jours, même s’il y a toute une période, après le XVe siècle, qui ne m’intéresse pas spécialement. » De par ses lectures, Raphaël est un fin connaisseur de l’Antiquité et de l’époque médiévale. Ses problèmes de vue ne le gênent pas pour pratiquer sa passion : « Je peux reconnaître les différentes pièces, je rencontre des spécialistes et je consulte des sites dédiés sans trop de difficulté. »

Étant passionné d’histoire et de géographie, sa collection lui permet de réunir les deux thématiques. Et pour illustrer cela, un objet sort du lot : « Je possède une pièce de monnaie byzantine en or qui date du XIIIe siècle. L’histoire de cette civilisation m’a toujours fasciné, car elle se situe entre deux mondes, l’Orient et l’Occident. Un peu comme moi dans ma manière de penser », sourit-il. D’ailleurs, s’il le pouvait, notre collectionneur passerait à l’Est puisque son rêve serait de débusquer une pièce du Moyen Âge en provenance de Samarcande, une ville mythique d’Ouzbékistan qui le fait rêver, lui, qui est également fasciné par le légendaire Gengis Khan.

Le plus droit possible

Pour en revenir à ses activités chez Prélude, Raphaël admet qu’il est impossible de travailler les stores fermés ou de tamiser les lumières dans les ateliers. Toutefois, il reste avide de découvrir de nouveaux travaux et relève chacun d’entre eux comme un véritable défi. « Par exemple lorsque je dois fixer des autocollants, j’essaie d’être le plus droit et le plus précis possible », détaille-t-il. Au-delà du travail, il apprécie également la mixité des différences au sein de Prélude. « Ici, c’est un véritable reflet de la société, explique Raphaël, il y a toutes sortes de pathologies. Les humeurs sont variables, mais on essaie de se soutenir. »

À la fin de l’entretien, Raphael a souhaité transmettre un message plus profond et empreint d’optimisme : « Le handicap ne doit pas simplement nous définir, ce n’est pas non plus une excuse. Ma mère m’a toujours incité à aller de l’avant et à ne jamais penser au pire. C’est ce que je m’applique à faire quotidiennement. » Au moment de réfléchir à un visuel pour illustrer le présent article, il a volontairement choisi une photo-portrait en noir et blanc qui, explique-t-il, correspond à ce qu’il voit.

« Chez Prélude, on se sent valorisé »

À 30 ans, la vie de Roman est déjà bien marquée, notamment par une maladie chronique et quelques erreurs de jeunesse. Son arrivée chez Prélude, il y a un an et demi, lui a permis de se faire une nouvelle image du monde du travail, celle d’un lieu d’échange et de solidarité.

En début d’entretien, Roman s’inquiète de son visage tatoué. « Ne risque-t-il pas de donner une mauvaise image de Prélude ? » Cette remarque est une sorte de paradoxe : alors qu’il assume parfaitement son apparence, il veille à la réputation de l’entreprise qui l’accueille depuis plus d’une année et dans laquelle il se sent parfaitement à l’aise. « Je ne me dis jamais que cela va être pénible de venir travailler, j’aime cette ambiance familiale. On se soutient, avec les collègues », explique-t-il.

Roman est atteint de schizophrénie depuis l’âge de 15 ans. Une maladie qui a empiré avec l’âge, l’empêchant de poursuivre son travail de logisticien dans une entreprise régionale. Ensuite, c’est l’engrenage. Il s’éloigne du monde professionnel et de l’employabilité. Sa route suit un circuit trop classique : le chômage, le social et l’assurance invalidité à 100%.

Reprendre foi en ses qualités

Après des années d’errance, le déclic vient par l’intermédiaire d’un copain. « Un travail lui est tombé du ciel, alors qu’il n’avait ni boulot, ni CFC. Quand j’ai vu ça, j’étais convaincu que je pouvais retravailler. » Des éducateurs lui présentent Prélude. « Au départ, j’avais du mal avec l’idée d’intégrer une telle entreprise. Puis j’y ai effectué un stage de trois mois… On m’a gardé et j’ai adoré travailler ici. »

Sa venue chez Prélude lui a permis de reprendre confiance en lui et surtout en ses capacités. « Ici, j’ai découvert une nouvelle facette du monde du travail. Les maîtres socioprofessionnels sont empathiques, on travaille sérieusement, mais sans la pression constante inhérente à une entreprise strictement commerciale. »

Actuellement, le trentenaire travaille à 30%, ce qui représente quatre heures de présence quotidienne dans les ateliers de Prélude SA. S’il est sérieux à la tâche, Roman aime rigoler et raconter des blagues. Pour lui, cette intégration est importante : « Elle permet de se sentir utile et valorisé. Je peux me dire que je suis capable de le faire, de venir travailler », précise-t-il.

Changer l’image du social

Moniteur de catéchisme il y a une dizaine d’années, le jeune homme est également passé par des moments plus délicats, une période qui est tatouée, de manière concrète, sur son visage. « Oui, j’ai fait des bêtises, ces tatouages sont en signe de repentance. Quand tu regardes quelqu’un, tu vois ses yeux, son visage. Ainsi, c’est gravé pour moi, mais également pour les autres. »

Lorsqu’il ne travaille pas, Roman écrit du rap ou des poèmes, pratique le basket et la natation. Sa curiosité naturelle l’a amené à se porter volontaire afin d’intégrer le groupe communication de Prélude SA. « Je pense que les gens ont une mauvaise connaissance du milieu de la réinsertion, de la vie en foyer ou des bénéficiaires de l’AI. J’ai envie de changer cette image-là. » Il estime que c’est une chance d’avoir un tel système en Suisse de manière à protéger les personnes « qui n’ont pas choisi d’être malades ».

À l’aise sur son lieu de travail, il a pour objectif d’augmenter son taux autour de 50%. Il a conscience que le défi est de taille car il demande beaucoup d’investissement. Malgré cela, Roman souhaite porter un message d’espoir en produisant des textes qui parlent d’amour, de liens forts et solidaires entre les humains. Il est là, l’essentiel à retenir de ce parcours atypique.

Adapter le travail à chacun 

Le secteur multiservice est sous la responsabilité de trois maîtres socioprofessionnels. Éric Schranz est l’un d’eux. Mécanicien sur machine de formation et du fait qu’une porte se ferme pour son premier rêve l’a amené à intégrer le milieu du social. Un changement de cap effectué sans le moindre regret.

Arrivé au secteur multiservice de Prélude SA en octobre 2022, Éric Schranz n’est pourtant pas un inconnu des équipes de l’entreprise. Il en a côtoyé la majeure partie par le passé.

Après un apprentissage en mécanique, il a effectué son armée dans le secteur de l’aéronautique, un domaine qui le passionnait. À l’époque, son ambition était de trouver un emploi dans ce domaine, une aspiration qu’il ne parviendra pas à concrétiser… Ce qui, avec le recul, s’avère une très bonne chose ! En effet, sa découverte du milieu social n’est pas le fruit du hasard. « Je connaissais le directeur d’une institution qui cherchait un mécano pour animer la partie mécanique de son établissement. » Au départ, à 24 ans, il pensait que cette place n’était pas pour lui, donc il hésite. Il se laisse néanmoins tenter par une visite des ateliers, à la suite de laquelle il se ravise.

Après plus de vingt années d’expérience dans le social, Éric se sent à sa place et l’affirme sans ambiguïté : « Malgré tout ce temps, il n’y a pas eu un jour où je n’ai pas eu envie de venir travailler. » Après plusieurs emplois au sein de différentes institutions, il intègre Prélude, un lieu dont il connaît déjà les spécificités et l’ambiance régnante, « un directeur disponible et des relations agréables avec les collègues ».

L’importance de la communication

Au quotidien, son rôle est d’encadrer les collaboratrices et les collaborateurs de l’entreprise. Il s’enquiert de leurs soucis, est à l’écoute des questions ou des confidences de chacun. Au-delà de ces contacts sociaux, il est bien évidemment responsable de la distribution des différents travaux. « Nous travaillons avec les compétences à disposition et organisons nos mandats en mettant les bonnes personnes aux bonnes places, évitant ainsi la pression sur chacun », confie-t-il.

Pour mener à bien cette tâche, il compte sur son expérience mais également sur le soutien de ses collègues, Mathieu et Sylvie. Ensemble, ils relèvent deux défis : tout d’abord, tenir les délais des clients ; ensuite, éviter que les collaborateurs et collaboratrices manquent de travail. Ce dernier point « perturbe vite le fonctionnement de l’atelier ». 

Des produits 100% Prélude SA

Entre les commandes pour l’horlogerie, les tâches de conditionnement de joints ou les publipostages, pour ne citer que ces trois exemples, la diversité des tâches est plutôt réjouissante, selon le mécanicien : « Un jour, l’atelier est dans une configuration et le lendemain, son aspect peut changer du tout au tout. » Toutefois, Eric ne limite pas son rôle à l’organisation des commandes clients. Il intervient également dans le développement de solutions destinées à pérenniser l’activité de l’entreprise et de son secteur en particulier. « Avec Mathieu, nous réfléchissons à la conception de produits propres à Prélude, des objets que nous pourrions commercialiser », détaille-t-il.

De l’idée à la concrétisation, il n’y a qu’un pas que les trois maîtres socioprofessionnels (MSP) n’hésitent pas à franchir. Et de citer l’exemple du porte capsules à café : « Avec notre machine laser, nous en avons conçu un qui intègre le soleil du logo de Prélude. Et il est facile de le personnaliser à l’identité visuelle des clients. » Ce sont des idées qu’ils entendent mettre en place avec les collaborateurs et les collaboratrices désireux de travailler sur cette machine.

Une production de qualité dans un environnement social

Mécanicien automobile, Florian Baillif a travaillé comme décolleteur avant d’intégrer Prélude SA, il y a trois ans. Aujourd’hui, il suit une formation pour obtenir un brevet fédéral d’accompagnant socioprofessionnel. Il revient sur son travail chez Prélude SA.

Florian Baillif a passé son début de carrière professionnelle derrière des machines, qu’il s’agisse d’automobiles – il possède un CFC de mécanicien sur voiture – ou de machines-outils. « Quand je travaillais sur les voitures, j’avais encore des contacts avec l’externe, cela n’a plus été le cas lorsque j’ai intégré un atelier de décolletage. » Pour donner une autre dimension à sa carrière professionnelle, il répond à une offre d’emploi et intègre Prélude SA. Pour lui, c’est une découverte : « Avant, j’étais derrière mes machines, ma responsabilité était limitée à la production de mes pièces. Ici, je dois gérer les éventuelles absences, assurer la liaison avec les foyers d’accueil. En termes de responsabilité, c’est un grand changement », détaille-t-il.

Par rapport à ses anciennes expériences, le travail est plus varié et la taille des pièces à produire plus grande. « Côté pression des clients, c’est légèrement plus souple mais on travaille de manière à respecter des délais standards par rapport à ce qui existe dans les entreprises de mécanique. Il faut gérer cette production et tenir les délais sur lesquels nous nous engageons. »

Motiver et former les équipes

Chez Prélude SA, Florian reconnaît que l’une de ses tâches les plus compliquées est de préserver la motivation des collaborateurs et des collaboratrices. « Nous avons des comptes à rendre à nos clients, il est donc important de garder tout le monde concentré. » L’ex-mécanicien automobile encadre des collaborateurs ou des collaboratrices qui ne sont pas forcément issues de la mécanique. « Je dois les former, leur apprendre ce qu’est une mise en train, par exemple. Sur 15 personnes dans l’équipe, il n’y a que deux mécanos de profession. » Une situation qui n’empêche pas le secteur mécanique et industrie de l’entreprise d’assurer une production de qualité irréprochable.

Si l’autonomie globale dépend des capacités de chacun des membres de son équipe, Florian s’adapte à toutes les situations selon les difficultés des uns et des autres. « Certains assurent l’ensemble du processus, de la mise en train jusqu’au contrôle des pièces. D’autres ont des difficultés avec les mesures, donc je les assiste. Parfois, je les laisse un peu chercher avant de les soutenir », précise-t-il. « Globalement, je suis très satisfait de leur production. »

Le meilleur des deux mondes

Au-delà de la mécanique, il y a également le côté social de sa profession. Afin de se perfectionner, Florian vient de commencer les cours pour obtenir un brevet fédéral d’accompagnant socioprofessionnel. Ces aspects théoriques compléteront toute l’expérience acquise sur le terrain. « Aujourd’hui, je travaille au feeling lorsque je dois aborder un sujet personnel avec une collaboratrice ou un collaborateur ; je m’intéresse à son parcours, j’essaie de comprendre ce qu’il s’est passé. Puis, on est bien entourés, par Malvina et le reste de l’équipe. »

Le but principal reste l’accompagnement des collaborateurs. Une tâche qui le rend fier, particulièrement lorsqu’une collègue parvient ensuite à retrouver du travail sur le premier marché de l’emploi. « C’est vraiment gratifiant. Et bien sûr, c’est un véritable travail d’équipe pour y parvenir. »

Pour conclure, le décolleteur déclare qu’il apprécie beaucoup la liberté dont il dispose. « Chez Prélude SA, j’ai une place de rêve, je travaille à la fois en mécanique et dans l’accompagnement. Je bénéficie du meilleur des deux mondes, en quelque sorte. »

Un groupe qui facilite le dialogue au sein de Prélude SA

Mercredi matin, 10h. Plusieurs collaboratrices et collaborateurs se réunissent dans la salle de séance de Prélude SA, à Valbirse. Ce sont les membres du groupe Transhumance. Leur mission ? recueillir et formuler des propositions destinées à améliorer le fonctionnement de l’entreprise. Sa particularité ? il cogite de manière autonome, sans membre de l’équipe encadrante.

Ce matin-là. Ils sont six. Ils représentent les différents secteurs de l’entreprise : mécanique et industrie, art & artisanat, multiservice. Stylo à la main, Jonathan Salvatore coordonne la séance. Aujourd’hui, trois nouvelles personnes intègrent le groupe : Cyril, Valérie et Natacha. Sven et Carole sont les plus anciens du comité.

Sans aucun préambule, on entre dans le vif du sujet. Le premier thème concerne le prix du thé vendu à la cafétéria. Il s’agit de trouver le juste prix et de faire ensuite une proposition . « Qui voudra d’un thé à 2 francs ? » demande Valérie. Ici, et peut-être davantage qu’ailleurs, on pense aux petites bourses.

Jonathan, actuellement en stage au secteur art & artisanat, souligne les qualités du thé : « Il est artisanal et bon pour la santé, ce n’est pas du thé industriel. » Il en profite pour présenter le prototype de la boîte à thé en bois, fabriqué au sein de son secteur. L’objet fait l’unanimité de l’assemblée. La conversation tourne également autour de propositions commerciales : « On pourrait proposer un tarif spécial pour trois paquets. » Le groupe s’accorde sur le prix de 1 franc le sachet.

Des places de parking pas assez larges

La suite de la séance s’accorde sur des aspects plus pratiques et liés à l’organisation de Prélude SA. Le secrétaire de la séance explique qu’il a reçu des demandes : « Les places de parc ne sont pas assez larges ; qu’en pensez-vous ? » Les échanges s’animent. Carole : « Oui, lorsque tu veux sortir de la voiture, il y a toujours le risque d’abîmer celle d’à côté, si tu ne rentres pas assez le ventre. » Puis, dans la réflexion, le groupe pense aux collègues, à ceux dont la mobilité est entravée et « qui ne peuvent pas se contorsionner ». La conversation se déroule dans la bonne humeur. Carole, toujours : « Pour l’instant, je sors facilement de ma voiture… mais pour combien de temps encore ? » plaisante-t-elle.

Au cours de cette heure de réunion, les sujets s’amoncellent. On traite pêle-mêle de la nécessité d’avoir des ventilateurs dans les ateliers cet été lorsque les températures deviennent insupportables, d’une chasse aux œufs pour Pâques ou encore du renforcement de la sécurité des locaux. Actif au sein de l’administration, Cyril relève également quelques réglages à faire sur la caisse de la cafétéria.

Autour de la table, tour à tour, chaque représentant ou représentante remonte des propositions d’amélioration issues des collaboratrices et des collaborateurs du secteur dont il ou elle est issue.  « Il y a des secteurs où la communication mériterait d’être plus fluide », et les différents intervenants comparent leurs expériences au sein de leurs ateliers respectifs.  « Parfois, entre les équipes du matin et celles de l’après-midi, des informations se perdent, insiste notamment Natacha. Et cela crée des malentendus et des grincements de dents. » Cette dernière relève aussi des points positifs : « On a reçu des remerciements pour les cubes odorants dans les toilettes, c’est nettement plus agréable. »

Un groupe solidaire

Parfois, entre une plaisanterie et un sujet d’organisation, la discussion prend des tournures plus personnelles. Ici, on est bien chez Prélude SA, une entreprise à vocation sociale. Les parcours de vie des collaborateurs et des collaboratrices sont souvent cabossés. Parfois, le moral est au plus bas, bien au fond des chaussettes. Aussi, entre collègues, on se confie et, surtout, on se soutient. « Tu sais, tu peux confier tes soucis à Malvina, elle est disponible pour cela. Elle tisse le lien entre les maîtres socioprofessionnels et nous. Tu peux tout lui dire », entend-on. L’assemblée souligne les qualités de dialogue de Malvina Bernasconi, responsable du processus accompagnement au sein de Prélude SA – site de Valbirse. La solidarité entre les différents membres de la séance permet au conciliabule de renouer avec la bonne humeur. Chacun s’exprime sur sa manière de surmonter les épreuves. L’écoute active soigne les blessures de l’âme.

Puisqu’il faut bien faire son autocritique… la séance se conclut par des propositions sur la communication du groupe Transhumance. Ce dernier dispose d’un statut qui définit clairement son rôle au sein de Prélude SA. Nouvelle venue, Natacha remarque la discrétion de ce groupe dont elle a entendu parler presque par hasard. « Puis, on n’a pas toujours le temps de voir toute son équipe ou d’informer les nouveaux », complète Carole. On acquiesce sur le fait que les affiches devraient être plus visibles et les dates des séances mieux communiquées afin que chacun puisse prendre contact avec le représentant de son secteur et lui soumettre des points d’amélioration.

Actuellement, le groupe Transhumance se réunit tous les deux mois. C’est une volonté de la direction et du groupe Transhumance. Enthousiaste, Natacha questionne. « Le groupe peut-il se réunir de manière extraordinaire si le besoin s’en fait sentir ? » Pour avoir une réponse, il suffit de poser son regard sur le grand mur de la salle de séance. En gros, sous le logo, figure le leitmotiv de Prélude SA : « S’adapter, c’est notre métier ».

Prélude SA est une jeune entreprise avec de nombreux projets

Alain Jaggi est responsable de production au sein de Prélude SA. Authentique touche-à-tout, ses compétences et ses expériences professionnelles sont des atouts essentiels à une gestion réussie de la diversité des mandats qui parviennent dans nos ateliers de Valbirse.

Menuisier, charpentier, installateur dans une entreprise de construction métallique, grand voyageur lorsqu’il était employé par Swiss-Ski, Alain Jaggi a aussi travaillé dans la gérance immobilière. « Des problèmes de dos m’empêchaient de continuer à exercer sur les chantiers », explique-t-il.

À ce stade du portrait d’Alain Jaggi, on reconnaît un vrai touche-à-tout. Son envie de communiquer ses compétences variées, cumulées au cours d’une carrière professionnelle déjà riche d’expériences multiples, l’a amené à découvrir le métier de maître socioprofessionnel. « Au départ, mon idée était de transmettre tout ce savoir acquis, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. » Une annonce d’emploi au sein d’une institution sociale active dans le monde du handicap, un stage de deux jours et le voilà engagé : il prend dès lors un véritable virage professionnel. En 2012, Alain Jaggi se confronte donc à la fois à un nouveau métier et à un nouveau secteur d’activité. « Transmettre était ma priorité. Ensuite, j’ai découvert un monde du handicap sincère, transparent et sans filtre, cela me plaisait énormément et correspondait à mon tempérament. »

Toutefois, et de son propre aveu, il n’était pas évident de reprendre une formation à 43-45 ans. « J’ai dû me plonger dans des dossiers, écrire des pavés le soir et le week-end. Mais ça me convenait. Je n’aime pas être dans un lieu et ne pas en comprendre les rouages. J’ai beaucoup étudié. »

Il y a plusieurs façons d’aborder ou d’écouter une personne

Cette formation l’a conduit à se poser beaucoup de questions sur l’aspect social de ce métier dont les compétences professionnelles ne sont qu’une petite composante. « Il y a toute la partie qui concerne l’encadrement des collaborateurs et des collaboratrices. Quand tu as une personne en face de toi, il y a plusieurs façons de l’aborder ou de l’écouter, confie-t-il, tu dois prendre de la hauteur par rapport aux différentes situations. »

Engagé il y a trois ans chez Prélude SA comme maître socioprofessionnel (MSP), voici une bonne année et demie qu’il est désormais le responsable de production du site de Valbirse. Un rôle qui lui sied à merveille. Il a une vue d’ensemble sur la diversité des mandats qui sont confiés à l’entreprise. « J’ai une image mentale des différentes missions. Grâce à cela, j’organise, en collaboration avec les cadres d’ateliers, les flux de travail. Cela concerne les mandats des trois secteurs, les travaux externes, les ateliers mécanique et multiservices. » Son rôle s’étend également à la relation client : répondre aux différentes questions relatives aux prix, délais, ainsi que celles qui sont techniques ou organisationnelles. « Ma mission inclut la prospection. Même lorsqu’on a assez de travail, je reste aux aguets par des contacts lors de soirées de réseautage, par exemple. »

Trois casquettes

En sus de ses fonctions de responsable de production et commercial, ajoutons une troisième casquette à son rôle chez Prélude SA. Notre touche-à-tout est aussi membre du comité de pilotage de l’entreprise. « Dans ce comité, on pose sur la table l’ensemble des interrogations liées aux différents processus. On y propose également les nouveaux projets. »

N’allez pas croire que ces différentes tâches l’éloignent pour autant du terrain et des collaboratrices et collaborateurs de Prélude SA. « Déjà, je travaille de concert avec les MSP, sans hiérarchie aucune, afin de prendre les bonnes décisions. Mais j’aime, de la même manière, parcourir les ateliers, en sentir les ambiances ; Observer ce qu’il s’y passe. » Les compétences acquises dans son précédent emploi sont utiles : « Même si je n’interviens plus directement, le cadre social est un aspect de mon métier. D’un côté, je gère les clients qui souhaitent, avec raison, un résultat de qualité et des délais raisonnables et, d’un autre, je m’inquiète du bien-être et des capacités des personnes qui œuvrent dans nos ateliers. »

Organisé et doté d’un tempérament de meneur, le quinquagénaire aime toujours autant comprendre et apprendre. C’est également un homme de contact : « Lors de rencontres, je suis à l’affût de partenariats avec tout type d’organisation afin d’apporter de nouvelles perspectives à l’entreprise. Là encore, j’apprécie le dialogue. C’est instinctif. » Puis, il faut l’admettre, Alain Jaggi ne manque pas d’idées. « Il y a toujours de petites améliorations à apporter pour être plus efficient. Prélude SA est encore une jeune entreprise, beaucoup de projets restent à développer ! », ajoute-t-il, avec passion, en guise de conclusion.

Des défis pour nourrir l’esprit

Lorsque vous vous présentez à la réception de Prélude SA, vous êtes accueilli notamment par la franche bonhomie de Cyril Julliart. Arrivé en Suisse en 2004, ce travailleur acharné n’a jamais cessé de s’affranchir des barrières du monde de l’entreprise, et ce, malgré une hémiplégie du côté droit qui dresse quelques obstacles dans son quotidien.

Originaire de Reims, en France, Cyril Julliart arrive en Suisse en 2004 après y avoir rencontré son épouse. « Au départ, j’ai idéalisé la Suisse. Je n’en connaissais que les montagnes. » À son arrivée, on lui assure qu’il trouvera facilement un emploi. « Mais durant ma scolarité, j’ai appris l’anglais et l’espagnol, pas vraiment des langues qui facilitent la recherche d’un travail en Suisse. »

En France, grâce à la loi sur le handicap, il avait décroché un emploi dans les renseignements téléphoniques. « C’était une fonction un peu mono-tâche, avec au moins 50 appels par heure », précise-t-il. En 1993, grâce à une mission locale qui soutenait les jeunes pour trouver une orientation professionnelle, il a pu préparer une reconversion dans le secteur de la logistique.

Un miraculé qui n’a jamais cessé de travailler

En Suisse, il était suivi par Pro Infirmis et s’est inscrit à l’assurance invalidité. « J’ai un handicap de naissance, une hémiplégie. On soupçonne un AVC très jeune. » À cause de ce handicap, il n’a aucune sensibilité de la main et de la jambe droite, ce qui nécessite quelques adaptations de sa place de travail : « Par exemple, la souris de mon ordinateur est placée à gauche de mon clavier », explique-t-il. L’homme se considère comme un miraculé : « En tout cas, je remercie mes parents. À l’école maternelle, la psychologue scolaire leur conseillait de m’inscrire dans une école spécialisée. Ils se sont battus afin que je reste dans le circuit classique. »

Pour ce solide gaillard, hors de question de rester inactif. C’est un travailleur consciencieux et motivé. Entre 2004 et 2009, il travaille dans un centrer d’appel. Son objectif : placer des rendez-vous pour des assurances. Par la suite, l’association Pro Infirmis l’informe sur des possibilités d’intégrer les Ateliers protégés de Reconvilier (APR). Il y collabore entre 2009 et 2016. « Ensuite, j’ai eu besoin d’un nouveau défi. Et surtout, je voulais apprendre l’allemand. »

C’est ainsi qu’il postule à la Fondation Battenberg où il est engagé. « J’ai de la chance, j’ai de la facilité avec les langues. Aujourd’hui, je suis capable de me faire comprendre en allemand. » Grâce à l’école des talents de la fondation, Cyril se dédie à la réception et à l’accueil des personnes. Il effectuera notamment un stage à la réception d’une maison de retraite de Delémont. « C’est une mission qui m’a beaucoup apporté. J’étais en contact avec des personnes âgées et je m’occupais également des visiteurs de l’institution. » Pour lui, le salaire n’était pas si important : « Je voulais avant tout être sur le marché du travail. » On y retrouve une nouvelle fois son goût et sa motivation pour l’activité.

La période du covid a été difficile. Il fait un burn-out et se retrouve sans activité durant une année, ce qui est difficile pour un tempérament qui a l’habitude de relever des défis.

Rebondir chez Prélude SA

Cyril débarque chez Prélude SA en février 2022. « Quand je suis arrivé ici, j’ai directement intégré le secteur multiservice, mais j’étais très motivé à travailler également dans l’administration. » Il a attendu qu’une place se libère.

Aujourd’hui, Cyril Julliart travaille à 60%. Il partage son taux d’occupation entre le secteur multiservice et l’administration. Chez Prélude SA, il apprécie la diversité des tâches liées à l’administration : « La réception téléphonique, les courriers à rédiger, traiter les factures fournisseurs et clients, les échanges avec les collègues, etc. ». En outre, il aime se lancer des défis : « Actuellement, je veux réaliser une pochette pour les pièces d’horlogerie. Le produit final doit être nickel. Je veux combattre cette hémiplégie du côté droit en essayant de la faire travailler, cette ‘ feignante ’ », plaisante-t-il.

Toujours prêt à se former

« Il y a quelques années, lorsque je travaillais aux APR, je ne me sentais pas vraiment à ma place car j’ai un handicap physique et non pas psychique. Ici à Prélude SA, je me suis ouvert à tous types de collaborateurs ou de collaboratrices. » À 51 ans, l’homme est résilient au point d’envisager la totalité de sa carrière au sein de l’entreprise. « Même si j’ai des compétences et de l’expérience, les employeurs s’intéressent plutôt aux diplômes et je suis déjà quinquagénaire. C’est difficile de trouver ailleurs. » Pour Prélude SA, Cyril est un atout et un collaborateur bien dans ses baskets.

S’il a déjà fait des stages à l’extérieur, il estime qu’il n’a pas encore fait le tour de la question chez Prélude SA. « J’aimerais découvrir le parcours complet d’une production : depuis les négociations avec le client jusqu’à la concrétisation et la livraison. »

On l’a vu, l’homme apprécie les défis. Il aime les relever et surtout, il souhaite continuer à se former : « J’aime le travail, j’aime apprendre, c’est idéal pour faire fonctionner le cerveau et faire reculer certaines maladies, telles que Alzheimer », conclut-il.