Regards croisés sur la réinsertion professionnelle

Prélude SA s’engage dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap ou en difficulté sociale. Elle offre, dans ses locaux de Valbirse et sa boutique de Saint-Imier, des opportunités de travail adaptées à ces difficultés. Parfois, l’intégration passe également par des collaborations réussies avec des entreprises partenaires. C’est le cas de Christine Montavon qui a su faire sa place chez VOH.ch, à Courtelary.

Coiffeuse de formation, Christine a exercé plusieurs professions, dont vendeuse en boulangerie. Elle a également effectué du conditionnement ou du contrôle qualité dans différentes entreprises régionales. C’est à l’issue de cette dernière expérience professionnelle que la vie de Christine opère un virage. « Je ne comprenais pas la gestion interne de cette entreprise. Je remarquais des erreurs, des pièces non conformes et rien n’était effectué pour corriger cela », explique cette maman de trois enfants. Là, c’est l’enchaînement : la perte d’emploi, la difficulté à conserver un travail, l’arrivée en fin de droits et, au bout du chemin, le social.

Prélude SA, une découverte

« Le service social m’a orientée vers Prélude SA. J’ai été agréablement surprise, les gens étaient très gentils et m’ont aidée à me sentir à l’aise. » Dans les ateliers de Valbirse, Christine a repris confiance et découvert la mécanique. Cette activité ne fut qu’une étape dans son parcours de réinsertion professionnelle.

« Lorsque nous plaçons une collaboratrice ou un collaborateur chez un partenaire externe, c’est que nous estimons qu’il ou elle a du potentiel, explique Pierre-Michel Raetzo, directeur de Prélude SA. L’une de nos missions est de relancer ces personnes et, si possible, de permettre leur retour sur le marché du travail. » Le succès de cet objectif passe par une étroite collaboration avec des entreprises régionales. Ainsi, VOH.ch, une entreprise active dans les solutions horlogères et basée à Courtelary, est venue avec une proposition de travail. Du montage de cols-de-cygne notamment. Face au volume de commandes, le travail ne manquait pas. « Christine a effectué, avec succès et à la satisfaction de tous, plusieurs stages chez notre partenaire, c’était réjouissant. » Un avis partagé par Nathalie Mercier-Vaucher, directrice adjointe et responsable des ressources humaines de l’usine de Courtelary : « Au départ, ce n’est pas forcément Christine qui devait revenir à chaque pic de production. Sa polyvalence et son efficacité ont été précieuses, ce qui a facilité son intégration au sein de nos équipes. »

En effet, au fil du temps, la nouvelle collaboratrice s’est vu confier d’autres tâches qui n’étaient pas sous-traitées à Prélude SA. « Elle a su se rendre indispensable par son implication et s’est orientée vers des missions telles que la logistique ou la préparation des ordres de fabrication. »

Un contrat de travail en bonne et due forme

De mission en mission, Christine est revenue très régulièrement à Courtelary au cours de l’année 2022. La question s’est ainsi posée de lui proposer un emploi sous contrat avec VOH.ch. Pour Pierre-Michel Raetzo, « l’embauche d’une collaboratrice passée par Prélude SA, c’est la satisfaction ultime et cela démontre que l’inclusion fonctionne bien ».

Ainsi, Christine Montavon commencera l’année 2023 avec un nouveau contrat de travail. « Je vais pouvoir vivre un peu plus sereinement, ce bon de papier est très important pour moi et représente une vraie fierté : je me sens vraiment réinsérée dans la vie professionnelle. » Pour la nouvelle collaboratrice polyvalente de VOH, Prélude SA a été une étape importante, car « elle m’a permis d’avoir un rythme de vie, et de rencontrer des gens ».

Le dialogue entre Prélude SA et ses partenaires est important. « Le projet de réinsertion par le travail est une démarche qui devient courante. C’est même une stratégie à développer, détaille le directeur de l’entreprise sociale, l’exemple de Christine est un véritable cas d’école. Il doit essaimer. » Toutefois, la réinsertion externe n’est pas toujours possible en raison de la difficulté de certains travaux ou des capacités des candidats ou candidates. « Mais l’image de Prélude SA s’est améliorée et le profil des collaborateurs et collaboratrices que nous accueillons a également changé. La combinaison de ces deux facteurs facilite grandement le placement au sein d’entreprises externes et c’est heureux », conclut Pierre-Michel Raetzo.

Le bonheur est dans la boutique

Ouvert au public en juin 2021, l’atelier Art & Artisanat de Prélude SA accueille douze collaboratrices et collaborateurs qui exercent une activité artistique et commerciale au sein d’une boutique située sur l’artère principale de Saint-Imier. Valorisant les talents de toutes et tous, l’encadrement accompagne et conseille chacun·e d’entre eux et elles.

Au rythme discret de Balavoine, Sardou ou Goldman, les petites mains créatives du secteur Art & Artisanat de Prélude SA s’activent. « Aujourd’hui, nous préparons un marché artisanal. Chaque collaborateur et chaque collaboratrice travaille sur un projet différent », explique Natacha Studer, responsable du secteur. Si on tend l’oreille, on entend parler de libellules, de porte-clés sirène, ou encore de fleurs. « Nous avons également deux personnes qui fabriquent des objets qu’on nous a commandés. » En compagnie d’Anaïs Raetzo, co-responsable, Natacha déploie des trésors d’imagination, « de manière à toujours avoir des produits à présenter dans la boutique, mais également afin de proposer du travail à tous ».

Les collaboratrices et les collaborateurs présents sont activement sollicités. Natacha leur demande leur avis au sujet des fanions qu’elle vient d’accrocher sur le rebord d’une fenêtre : « La guirlande est-elle complète ? Est-ce bien ainsi ? Met-on davantage de feuilles, des plus grandes, des plus petites ? »  Les talents valorisés sont artistiques mais également techniques. La responsable s’enquiert d’une guirlande défectueuse. L’un des collaborateurs a la réponse : « Il faut simplement réparer le conducteur qui alimente le système, je vais apporter le nécessaire lundi. »

Un espace créatif

La boutique est ouverte au public depuis le mois de juin 2021. Tout d’abord sous la responsabilité de Natacha Studer qui dispose d’une formation sociale et que son parcours professionnel a amenée à occuper différents postes : responsable d’accompagnement, directrice adjointe. Quelques mois plus tard, elle a été rejointe par Anaïs Raetzo qui possède la formation d’éducatrice ES. « Anaïs a très vite intégré ce nouveau secteur. On est totalement dans la philosophie de Prélude de former des binômes. Nos expériences passées sont valorisées et nos échanges valorisants, il y a de l’émulation, ce qui rejaillit sur l’ensemble de l’atelier. »

Lorsqu’une nouvelle personne est intégrée dans un atelier de Prélude SA, elle bénéficie également d’un plan de formation qui sert en quelque sorte de fil rouge pour les différents travaux effectués. « Pour certains, notamment pour un collaborateur avec un trouble du spectre de l’autisme, c’est rassurant. Il est autonome dans ses tâches tout en participant à un projet collectif, explique Anaïs. On décompose les tâches. Ainsi, chaque collaborateur effectue un travail en fonction de ses compétences. » Pour Natacha, cette collaboration va même plus loin : « Ici, nous sommes dans un espace créatif. Tout le monde peut proposer un produit. On en discute ensemble, on effectue des tests et on le met en vente. Ensuite, on regarde s’il a du succès. »

Un très bon bilan

La Journée portes ouvertes du 10 septembre a été l’occasion d’ouvrir le magasin. Le succès de cette dernière est une validation du travail accompli plus d’une année après les débuts de la boutique. Les deux femmes mènent l’affaire de fort belle manière et en tirent beaucoup de satisfaction. « J’aime la diversité de ce métier, explique Anaïs. Je suis éducatrice de formation, j’ai toujours travaillé sur le terrain. Grâce à mon travail, je peux mener des projets de A à Z, depuis le premier entretien avec le collaborateur jusqu’à son intégration au quotidien. » Un avis partagé par Natacha, au bénéfice d’une longue expérience dans le secteur : « De voir travailler nos collaboratrices et nos collaborateurs, d’imaginer que leurs productions vont trouver une belle place dans notre boutique, c’est un véritable bonheur. Je suis également heureuse de partager tout cela avec une jeune collègue, c’est enrichissant.»

Depuis son ouverture, la boutique a su séduire et fidéliser de nombreux clients. La variété de la production est impressionnante et est à découvrir notamment sur le site Internet de la boutique. Mais, très honnêtement, c’est encore mieux de vous rendre à Saint-Imier pour découvrir les créations, sur place, autour d’un café et de quelques gourmandises. En outre, suivez l’actualité de l’équipe imérienne. Elle se déplace également très régulièrement sur des marchés artisanaux afin de dévoiler sa production au plus grand nombre.

Chez Prélude SA pour se reconstruire

Nouvelle collaboratrice Prélude SA depuis le 3 janvier 2022, Véronique Scardarella a intégré le département Multiservices de l’entreprise. Âgée de 47 ans, cette maman de deux filles de 18 et 14 ans habitant à Corgémont revient sur un parcours de vie difficile qui contraste avec le visage lumineux affiché durant cet échange

« Je viens de terminer mes trois mois d’essai et je suis très contente d’être là ! » explique d’emblée Véronique. Lors de sa première visite chez Prélude, il lui a été proposé de choisir entre l’atelier Mécanique ou le département Multiservices. Son choix s’est rapidement porté sur la seconde proposition. Polyvalente, Véronique a appris le sertissage, l’étamage et le contrôle des torches étamées ou serties. « Je touche à tout, le travail est varié », ajoute-t-elle. En l’écoutant présenter son intégration chez Prélude SA avec un grand sourire, il est difficile d’imaginer son parcours de vie compliqué, accentué par des problèmes de santé récurrents.

Du mobbing à la maladie

« Je suis vendeuse diplômée. Auparavant, je travaillais au sein d’une chaîne de vêtements, au rayon enfant. À l’époque, ma cadette avait 4 ans. Elle est tombée malade : une double pneumonie. » Une maladie grave et potentiellement mortelle. La jeune maman s’absente alors régulièrement pour soigner sa fille. « Un jour, pour m’occuper de ma fille, j’ai quitté mon travail avec une heure d’avance. » Des absences qui ne sont pas comprises par son employeur de l’époque. Ainsi, Véronique subit d’énormes pressions qui la conduiront à un burn-out. C’est le début d’une longue descente aux enfers morale et physique.

Ne pouvant plus travailler, elle entreprend les démarches auprès de l’assurance invalidité (AI). Sa première demande est refusée. Cet échec a pour conséquence de la replonger dans une forte dépression qui s’accompagnera de problèmes de santé. « On m’avait diagnostiqué par erreur une J’ai eu une forte réaction aux médicaments qui ont entraîné une alvéolite pulmonaire. » À plusieurs reprises, Véronique tente de retravailler : « À chaque fois que je commençais un nouveau boulot, je tombais malade, il m’était donc impossible de le conserver. » Selon ses propres mots, la famille est prise dans un « engrenage vicelard » où se mélangent problèmes financiers, une opération du dos pour elle et un AVC pour son mari, à seulement 44 ans. « Il n’a pas de séquelles graves, mais il ressent beaucoup de fatigue, ce qui l’empêche de pratiquer son métier de cuisinier. »

Comme une famille

À ce moment du récit, on éprouve une forte empathie pour Véronique et sa famille. Toutefois, le déroulé de son histoire n’escamote pas le sourire accroché à son visage. « Je suis passée par de nombreuses épreuves. Mais mes filles m’ont toujours donné la force de me battre et, surtout, j’ai toujours voulu retravailler, aller de l’avant. » C’est l’AI qui lui propose d’intégrer Prélude SA. Au départ, elle imaginait une institution qui accueillait des personnes avec un handicap visible. Des préjugés vite balayés par d’autres sentiments : « En arrivant ici, je n’ai pas pris la différence comme un frein, mais, bien au contraire, comme l’opportunité de découvrir de nouvelles personnes, explique-t-elle, c’est un environnement sans préjugés, sans étiquettes. Chacun travaille à la vitesse qui lui convient, entouré de bienveillance. »

Au sein de Prélude, Véronique a trouvé une seconde famille et a noué des amitiés fortes. « Pendant dix jours, je n’ai pas pu venir travailler. D’un côté, cela me manquait de ne pas venir à Malleray. D’un autre côté, j’ai eu très peur de mon retour. » Mais Prélude n’est pas une entreprise comme les autres : elle a une vocation sociale. Ainsi, les collègues de Véronique étaient heureux·ses de retrouver leur « rayon de soleil ». Au sein des ateliers, c’est un esprit de famille où la confiance et l’entraide règnent : « Je vais bientôt partir en vacances. C’est une de mes collègues qui gardera mon lapin. » Le visage de la Curgismondaine rayonne.

Jusqu’à la retraite

Aujourd’hui, Véronique travaille à 40%. Quand on lui parle du futur, elle évoque son avenir chez Prélude jusqu’à la retraite. « Si c’est possible, j’imagine bien augmenter mon taux de travail à 60%. » Bien évidemment, elle se laisse une marge de manœuvre afin de pouvoir accompagner ses filles, autant qu’elle le peut, vers la voie de l’indépendance. « Je veux avoir le soleil que nous n’avons pas eu jusqu’à présent. »

Souriante, Véronique est une excellente guide. Elle présente sa place de travail et nous révèle les dessous de son activité et des tâches qu’elle aime accomplir : « Récemment, on a eu à monter des cols-de-cygne pour les établis horlogers. On doit assembler les différentes pièces et ce qui est réjouissant, c’est de voir le résultat final. » Grâce aux différents travaux effectués au sein de l’atelier Multiservices, elle se découvre « mine de rien » des talents manuels : « C’est très valorisant de savoir faire quelque chose avec ses doigts qui ne soit pas… de la cuisine ou de la lessive. » Elle se souvient également de sa première journée chez Prélude SA : quelle fierté d’expliquer ce nouveau travail à ses proches en rentrant chez elle ! « Ma fille cadette est fière de moi, elle est contente de voir sa maman partir au boulot avec le sourire. »

Courageuse, Véronique s’est livrée sans tabou lors de cet entretien. Ce qu’elle retient de son parcours ? « On découvre la vie d’un autre œil, surtout lorsque celle-ci ne tient qu’à un fil. J’ai beaucoup de chance d’avoir mes filles pour me pousser à aller de l’avant. Quand on tombe très bas, on s’aperçoit que, malgré tout, on peut remonter la pente. » Une conclusion pleine d’optimisme.